lundi 1 juillet 2013

Et peut-être que le féminisme trouve sa radicalité dans la lutte anarchiste...

Un article du ML :  n°1708 (30 mai-5 juin 2013)

 

Et peut-être que le féminisme trouve sa radicalité dans la lutte anarchiste…

Commençons par un constat que d’aucuns qualifieraient d’évident : le sexisme gangrène depuis toujours le mouvement libertaire. Comme reflet d’une société elle-même régie par un système de domination homme-femme et comme héritier de codes et de pratiques virilistes associant la violence et l’action radicale à une force dont les femmes seraient, de fait, exclues. Or, cette évidence, nombreuses sont les personnes à ne pas l’assumer. On cherche alors à la voiler dans des discours fumeux et intellectualistes pour mieux contourner le problème. C’est alors par la violence du déni, voire par des attaques ouvertement sexistes, que les tenants d’un ordre dominant sclérosent une lutte qui ne se gagnera qu’en combattant les dérives patriarcales du militantisme libertaire. En effet, le premier terrain miné est celui que l’on foule quotidiennement : gestuelle genrée, inégalité dans la parole, positions de principe non suivies dans les actes, etc. Les luttes féministes et lesbiennes, gays, bi, trans ont été trop souvent reléguées dans les luttes sociétales, cantonnées aux recoins poussiéreux de la Révolution : puisqu’on vous dit que c’est acquis, surtout dans nos milieux ! La voilà, la fameuse contre-évidence : si l’antisexisme est un principe fondateur, alors c’est que tout le monde le met en œuvre. Et c’est là que le bât blesse. Si nous sommes anarchistes c’est pour ne pas se contenter d’évidences ou de théories mais, par la pratique, déconstruire les dominations et commencer des actes révolutionnaires en changeant notre rapport aux autres, en établissant une relation d’égal à égale. Cela suppose une démarche personnelle pour chacun, mais également un travail collectif remettant en cause des fonctionnements profondément ancrés dans les pratiques militantes. La Fédération anarchiste a pu refaire ce constat lors de son dernier congrès : ce n’est pas seulement l’aveu d’un fossé souvent trop grand entre des principes de base et leur mise en œuvre, c’est aussi l’aboutissement de plusieurs progrès en son sein arrachés de haute lutte.
Il y a trente ans, la commission Femmes s’attelait à donner une voix féministe à la FA en s’inscrivant dans des luttes contre l’ordre moral établi : droit à l’avortement, liberté sexuelle, précarité des femmes dans le monde du travail. Puis la commission antipatriarcale s’est formée afin de redonner un souffle au féminisme dans la Fédération anarchiste, mais, en 2001, elle a quitté l’organisation. Depuis quelques années les militants se sont interrogés sur les moyens à se donner pour ramener cette lutte au centre des priorités à la Fédération anarchiste. Leurs attentes ont pu être déçues, et le chemin à faire reste long. Les compagnes et compagnons ayant fait le choix d’une construction commune en tant qu’organisation anarchiste révolutionnaire savent que les obstacles sont nombreux : par des difficultés à évoluer dans nos pratiques, et par la mauvaise image que l’on renvoie, justifiée mais souvent amplifiée et déformée. Aussi faut-il se doter d’outils qui nous permettent de démontrer qu’un anarchisme sans féminisme est un contresens dans l’idéal et les pratiques qui nous animent. Les Mujeres Libres, Louise Michel, Emma Goldman, Voltairine de Cleyre sont autant de voix qui chuchotent et crient en nous un combat qui nous concerne toutes et tous. Les écrits théoriques et les professions de foi ne remplaceront pas la nécessité d’une parole libérée, présente dans toutes les luttes sociales. Deux commissions ont émergé : l’une mixte, travaillant à renouveler des positionnements de fond sur différentes thématiques (déconstruction des genres, prostitution, anarchaféminisme…) pour rendre audibles et visibles l’antisexisme dans nos pratiques et dans nos choix de luttes ; l’autre non-mixte et qui aura un rôle de vigilance afin de révéler les problèmes inconnus ou ignorés, pour à terme les vaincre. Cela ne se fera pas sans une pédagogie et une patience têtues de la part de tous les militants et militantes qui devront se réapproprier l’espace de parole, le temps d’un féminisme attentif à tout acte.
En ce sens, et parce que nous ne pouvons être à la hauteur du travail que font les organisations féministes ou LGBT, aborder le féminisme comme une lutte transversale est un moyen de ne pas hiérarchiser les luttes. Lorsque nous abordons la lutte contre le capital, comment occulter la domination du patriarcat et son rôle d’asservissement, de maintien d’un désordre immoral ? Et le féminisme étant cette idée radicale que les femmes sont des êtres humains, ne devons-nous pas affirmer une certaine logique dans notre anarchisme ? En gardant toujours à l’esprit que là où sont les luttes sociales, la lutte des classes, le féminisme est toujours concerné, nous aurons réalisé quelque chose, femmes, hommes, lesbiennes, gays, bi et trans. Ainsi, depuis novembre 2012, la FA s’est engagée aux côtés d’Act-Up Paris pour contrer l’homophobie et le sexisme décomplexés, nous avons appris à leurs côtés les luttes LGBT, et nous continuons à apprendre, à construire des liens entre notre pratique anarchiste et des luttes trop longtemps désertées par le mouvement auquel nous appartenons. C’est dans le même esprit que la Journée des femmes présente un service d’ordre mixte, et que, dans les autres manifestations, l’organisation repose sur les militantes et militants. N’assombrissons pas plus notre pavillon… ajoutons-y du violet et un arc-en-ciel. Donnons-nous les moyens de combattre le sexisme, afin que la Révolution ne s’arrête pas à nos portes.

Marine
Groupe de Montreuil de la FA

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