mardi 13 août 2013

Autogestion de la misère, misère de l'autogestion




 L'autogestion, un terme à la mode ces derniers temps chez les libertaires mais pas que... revendiqué comme un modèle idéal de fonctionnement collectif, mis en avant dans des foires, brochures, manifs...
  L'autogestion anarchiste signifie l'organisation collective d'un lieu de production, de vie et à plus grande échelle, de toute la société par toutes et tous et pour toutes et tous, sans hiérarchie. Les décisions, débarrassées des contraintes économiques du capitalisme, appartiendraient au collectif et non plus à une minorité de dirigeant-e-s plus ou moins légitime.
Deux exemples sont principalement cités: la Révolution espagnole de 1936 et le soulèvement zapatiste au Chiapas. Je n'ai pas l'envie avec ce texte de montrer les bienfaits de l'autogestion mais de pointer quelques failles dans notre argumentation en sa faveur et dans notre conception du projet autogestionnaire:

- Le manque d'exemple concret et la mythification d'un passé supposé glorieux (en particulier dans le cas de la révolution espagnole), qui, s'il est riche en enseignement, ne tient pas compte des différences de la société et où nous nions très souvent, par facilité, les aspects négatifs de ces périodes (pendant la guerre d’Espagne la collectivisation servit aussi à des règlements de compte).
Pour pouvoir réellement profiter des exemples du passé ou du présent nous devons prendre en compte tous ses aspects: les bons comme les mauvais. Le manque d'exemple joue là aussi un rôle: n'ayant pas grand chose à quoi nous référer nous grandissons le mythe du peu qu'il nous reste comme un idéal à atteindre.

- Le manque de théorie notamment dans le domaine de l'économie et de l'organisation de la production. Pour notre projet de société nous devons penser à comment organiser les échanges, le travail, la production, l'éducation.... et à part sur ce dernier sujet nous avons fort peu de théoriciens actuels. Nous nous référons là encore à des livres certes souvent excellents: Proudhon, Marx ... mais datés. De plus notre analyse ne doit pas seulement porter sur la critique du capitalisme mais sur la création d'une "économie libertaire". J'ai souvenir d'un groupe de travail sur le sujet qui se réunissait en 2010 je ne sais pas ce qu'il est devenu.

-  Le mythe de la dé-spécialisation: les libertaires mettent un accent important sur le principe de rotation des tâches, soit pour éviter la création de zones de pouvoir, certaines tâches devenant l'affaire de spécialistes qui se rendant indispensables prennent un ascendant sur les autres, soit pour éviter que certains ne s'accaparent certaines tâches jugées "nobles" laissant aux autres les tâches secondaires.
 Or si les craintes sont légitimes les réponses sont mauvaises: certaines tâches nécessitent une formation longue: soit sous peine de sombrer dans une médiocrité (y a qu'à voir le pain et la cuisine libertaires comparés à ceux de la bourgeoisie et non ce n'est pas qu'une question de moyen, la technique joue un grand rôle) ou carrément dangereux (moi je me fais pas soigner par un médecin qui a appris dans un atelier" partage ta médecine" d'un squat). La dé-spécialisation est un doux rêve: très beau en théorie intenable en pratique.

- Les questions de pouvoir et de fiabilité:  l'autogestion implique une grande responsabilité de chacun-e donc une fiabilité importante. Le problème de mon expérience vient quand quelqu’un ne fait pas son travail, allant jusqu'à mettre en péril la survie du projet.Il en est de même à une échelle sociétale. Une fois les décisions prises collectivement (pouvoir législatif) comment les fait-on appliquer (pouvoir exécutif) et que se passe-t-il si ce n'est pas le cas? Doit-il y avoir des sanctions? Sur quelles bases? Qui en juge (pouvoir judiciaire)? Un exemple très concret: dans une coopérative une personne ne fait pas son travail. Comme elle le dissimule cela prend du temps avant que l'affaire éclate. Quelle doit-être la réaction? A l'heure actuelle dans une situation de crise que ce soit dans un projet autogestionaire ou dans nos organisations, les regards de chacun se tournent vers une ou deux personnes charismatiques ou avec plus de connaissances pour nous tirer d'affaire. Ceci alimente un esprit de clan et crée des zones de pouvoir. Ce n'est pas acceptable.

  En fait la question posée revient au sempiternel débat sur le droit qui doit être réglé, de mon point de vue, sous peine de voir notre projet sociétal passer de l'anarchisme au chaos.
La question devient encore plus importante dans le cadre d'une société libertaire: comment et sur quelles bases mettre en adéquation les besoins et désirs de la population,  les conditions de travail des producteurs de biens ou de services et la question écologique? Comment résoudre les conflits inhérents  à tout ça sans passer par une économie planifiée et donc par un État?
Voilà je fais pas de conclusions parce que ça m'ennuie. Bonne lecture et envoyez-moi vos critiques.




                                        

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire